Les vertus pédagogiques de la forêt

Une expérimentation réussie !

Début mai, pour la première fois, Entre les Arbres a osé proposer la formation Module 1 Changement Vivant (“Comprendre et accompagner les changements dans le contexte de la transition écologique“) en et par la forêt.

Les précédentes éditions de cette formation somme toute assez classique se faisaient comme pour la plupart des autres formations, en salle, avec des paperboards, des chaises en cercle, au sec et à l’abris du vent et du froid. Et elles fonctionnaient déjà bien.

Alors qu’est-ce qui a pris à Entre les Arbres d’aller dans le froid et le vent froisser les paperboads et congeler les stagiaires ?

L’enjeu était… de taille ! Il y avait une… greffe à opérer. Entre les Arbres avait repris tout le parcours Changement Vivant initialement créé par Lara Mang-Joubert, et continuait par ailleurs à “sévir” en forêt. Il devenait urgent de faire converger ces deux activités, pour une plus grande cohérence d’ensemble.

Après un premier essai l’an dernier sur une froide journée d’octobre (journée d’approfondissement “Faciliter un cercle de parole dans le contexte de la transition écologique“) réalisée avec notre partenaire Maïté Cordelle (Autres Regards), nous avions identifié les prémices que c’était 1) plus inconfortable, certes et 2) plus intéressant sur le plan pédagogique.

Il restait à transformer l’essai.

Et c’est donc chose faite. Et les retours des participant.e.s étaient unanimes, même s’ils ont eu froid ! Florilège extrait des évals :

  • “Mon coup de coeur : la forêt !”

  • “Ce qui était top, c’était la forêt !”

  • “Ce qui était top, c’était d’être en immersion dans la forêt !”

  • “Ce qui était top, c’était la forêt comme écosystème pédagogique”

  • “J’ai à mon tour l’élan de proposer des ateliers, formations et accompagnements dans les bois”

  • “Ce qui était top, c’était la forêt, le groupe, le rythme”.

  • “Ce qui était top, c’était la présence de Serge, le milieu forestier, le groupe très riche”.

 

Mais que s’est-il passé pour déclencher un tel enthousiasme ?

Je peux déjà témoigner en tant que formateur. Pour moi, il y a eu plusieurs apports.

Des bénéfices physiologiques

J’en parle dans le livre “Se sentir vivant par la sylvothérapie”, les bénéfices physiologiques apportés par la forêt se combinent à merveille pour tout ce qui est en lien avec l’apprentissage.

La qualité de l’air permet une meilleure oxygénation du cerveau, et j’ai pu le sentir chez les participant.e.s ET chez moi : à l’issu de chaque journée (ce module a duré 2 jours), je me suis senti bien plus en forme (et ce malgré une tranche de vie bien difficile en ce moment, cf. la newsletter d’avril) qu’après la même journée – en salle.

Autre bénéfice physiologique, le milieu forestier nous force à revenir dans nos corps. Cela a permis l’ancrage de concepts complexes abordés durant la formation comme la notion de zone d’impuissance et de zone de capacité d’action juste ou encore le modèle de diffusion sociale du changement (Everett Rogers). J’y reviendrai.

Des bénéfices cognitifs

La capacité de concentration est fortement correllée avec la qualité de l’oxygénation du cerveau et avec le sentiment de sécurité. J’ai parlé du premier mais pas du second. Ce sentiment de sécurité provient de nombreux facteurs et a été largement démontré par la recherche depuis plusieurs décennies. En gros, notre taux de cortisol diminue rapidement et durablement lorsque nous sommes immergés en forêt en mode contemplatif (l’inverse du paint ball ou du quad). Cela s’explique notamment par les formes et les couleurs qui nous environnent, et par le fait d’être totalement entourés de vivant, ce qui réveille la vie en nous.

Michel Le Van Quyen, neurologue, en parle bien mieux dans cette toute récente vidéo : Les nouvelles découvertes des neurosciences sur l’impact de la forêt sur le cerveau

L’énergie mentale des stagiaires est donc boostée en forêt. Dans le livre “Se sentir vivant par la sylvothérapie”, je démontre que la forêt nous rend clairement plus intelligents. Ce qui sert dans une formation.

Et pour le formateur (et donc les stagiaires), il se passe aussi quelquechose de puissant : l’inspiration est décuplée. Des idées de dispositifs pédagogiques émergent d’elles-mêmes, qui n’étaient initialement pas prévues dans le déroulé, et qui améliorent les conditions d’apprentissage.

En voici un exemple, qui est le moment où ce phénomène s’est le plus manifesté, en fin de J1.

Quand un paperboard se transforme en constellation !

comme il y a aussi des inconvénients, surtout matériels, à donner une formation en pleine forêt, notamment à cause de la logistique des paperboards (vent, pluie, encombrement, salissures…), j’ai cherché par tous les moyens à remplacer le plus possible de papers par d’autres supports pédagogiques.

Et pour la séquence sur la diffusion sociale du changement (modèle d’Everett Rogers), l’inspiration est née du boost cognitif offert par la forêt et de la contrainte de faire autrement qu’avec un paper inerte. Cela a également pu fonctionner car les stagiaires étaient suffisamment ancrés, apaisés, “dés-égo-tisé.s”, connectés à “leur plus grand potentiel”.

J’ai demandé aux participant.e.s de commencer par créer un “land-art” avec les éléments de la forêt qu’ils pouvaient ramasser dans les alentours. La consigne était de fabriquer au sol 5 cercles concentriques dans lesquels il était possible de se tenir debout (même dans le tout premier). Cela a déjà permis de faire “ice-breaker” de reprise de la session de l’après midi, il n’y a pas de petits profits.

J’ai ensuite présenté une brève introduction de ce modèle, en en précisant l’origine, le contexte de la commande à l’origine, et quelques autres éléments généraux. Puis j’ai demandé qui se trouvait dans le premier cercle. Un des participants a répondu “les pionniers”. Je lui ai demandé d’aller dans ce cercle, et de ressentir les choses avec son corps. De se mettre à la place des pionniers. Puis de s’exprimer.

Puis j’ai procédé de même pour le cercle suivant, celui des primo-adoptants. Et je leur ai demandé comment ils vivaient leur relation.

Etc… jusqu’au cercle le plus large, celui des refractaires. A l’issu, tous les stagiaires du groupe étaient dans un cercle (ils sont spontannément rentrés à plusieurs dans les cercles les plus étoffés socialemement) et pouvaient sentir comment se diffusait une innovation sociale de cercle en cercle, avec les spécificités à chaque interface. Ils ont pratiquement tout dit par eux-mêmes. Je n’ai eu que très peu de contenus à avancer à l’issu : une ou deux précisions, un complément important, et ce fut tout. Les participant.e.s ont “canalisé” par eux-mêmes dans cet espace clairement constellatoire, et les contenus ont été créés par eux, plus que jamais. J’en étais bluffé !

Voilà un exemple, sans doute le plus marquant, de ce que la forêt a permis sur le plan pédagogique. Cela a pu se faire car les participant.e.s étaient ancré.e.s, et donc en état de canaliser efficacement les ressentis des différentes populations qu’ils s’étaient retrouvés à représenter dans l’espace des 5 cercles.

Voici maintenant, brut de décoffrage, les témoignages des participant.e.s, suite à la question “Que vous a apporté la forêt sur le plan pédagogique ?”

  • “Lâcher prise pour me concentrer pleinement sur la formation. Etre plus à l’écoute.”
  • “Ancrage, ralentir mon rythme, m’apaiser, être à l’écoute, mieux mémoriser”.
  • “De la disponibilité mentale, de la tranquilité qui permet d’être plus réceptive, des interactions qui reconnectent, l’aspect concret du deuil avec le bouleversement climatique et la sécheresse visible sur les espaces présents”
  • “Ancrage, sérénité, émerveillement poussant la créativité, énergie et donc endurance”
  • “Le décalage par rapport au format en salle (une manière de bousculer nos habitudes) et la richesse du vivant”
  • “Coupure vis à vis de mon contexte pro / quotidien. Extraction bénéfique.”
  • Un espace des possibles.

Ces témoignages parlent d’eux-mêmes.

Cela m’encourage fortement à réitérer l’expérience. Objectif 2023 : zéro paperboard !

Et vous, quelles sont vos expériences de pédagogie en forêt ? N’hésitez pas à nous envoyer vos témoignages, nous les ajouterons en commentaire de cet article.

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