Se connecter à la terre

« On ne peut rêver que si on a les pieds sur terre. Plus les racines sont profondes, plus les branches sont porteuses. »

Juliette Binoche

Cet article s’inscrit dans la série de publication sur la reconnexion, thème de l’année 2020, thématique particulièrement d’actualité avec l’invité surprise qu’est le COVID-19. Cet être vivant nous invite à repenser en profondeur notre rapport au monde et à nous-mêmes. Le mois dernier, nous avons exploré la notion de connexion aux autres.

Ce mois-ci, nous partons explorer la notion de connexion à la terre.

 

 Qu’entends-nous par ce terme de connexion à la terre ?

Il s’agit avant tout de l’ancrage, qu’on nomme aussi parfois l’enracinement. C’est ce que dans le langage habituel on appelle “avoir les pieds sur terre“. Cet enracinement veut dire que je reste en lien avec la matière, je garde du bon sens, je suis pragmatique. Il veut aussi dire que je ne me laisse pas emporter par mes émotions. Et en même temps, cela signifie AUSSI que je n’en suis pas coupé. Quand je suis connecté à la terre, je peux accueillir toutes les émotions, et me laisser traverser par elles. Je les mets… à la terre, justement, exactement comme fonctionne n’importe quelle énergie électrique reliée à la terre. La tension se dissipe. Elle est naturellement absorbée par ce corps incroyable qu’est notre planète. Il en est de même avec nous.

Quand je suis connecté à la terre, je suis constant, persévérant, tout en restant ouvert au vivant, au flow. Je garde le cap, je reste fidèle à mon intention (l’idée qui me guide), mais j’écoute les signes et j’ajuste avec souplesse ma stratégie pour aller vers la mise en oeuvre de cette intention et faire naître l’idée dans la matière. J’écoute les émotions, mais je ne me laisse pas piloter par elles. Je suis connecté à mes besoins, à tout ce qui vient de mon corps et des mes tripes, au moins autant qu’à mes idées, mes sentiments et mes rêves, qui atterrissent plus haut dans mon corps (mon coeur et ma tête).

Etre connecté à la terre, c’est aussi se souvenir de son statut de “Terrestre”. Je suis un passager temporaire d’un grand vaisseau spatial, la Terre, et je partage la cohabitation avec d’autres terrestres. En ce sens, je suis responsable de chaque décision que je prends, consciemment ou inconsciemment.

 

Pourquoi est-ce vital d’être connecté à la terre ?

Je ne peux pas me développer, faire grandir mes rêves, si je n’ai pas les deux pieds bien ancrés dans le sol. C’est une image, mais concrètement, cela veut dire que je ne peux construire ma vie que si j’ai du bon sens, une capacité à structurer mes idées – et mes rêves ! – dans la matière, et à faire les choses par étapes, dans le bon sens. Je gère les priorités dans le bon ordre, et je ne me laisse pas emporter par la première nouvelle idée qui vient, ce qui se produirait si je perdais la connexion à la terre, surtout si j’ai un tempérament de rêveur, d’idéaliste ou d’intellectuel. Un pur esprit sans lien avec la matière traduit un déséquilibre, un peu comme s’il n’était pas totalement incarné.

Par ailleurs, si j’oublie mon statut de terrestre, je peux avoir un comportement dangereux pour moi et pour les autres, sans en avoir conscience. En effet, chacune de mes décisions va avoir des répercussions sur moi (plus tard), et sur tous les autres, et sur la Terre dans sa globalité, avec différentes temporalités. Si je suis bien enraciné, je vais plus facilement avoir conscience des conséquences, et j’ajusterai plus sûrement mes choix. Etre connecté à la terre ne suffit pas, car être connecté aussi au temps peut aussi grandement aider, surtout pour imaginer les conséquences dans une temporalité éloignée (cf. changement climatique). Cela ne suffit pas mais reste nécessaire.

Dans notre société hors sol, tout lien à la terre s’est progressivement et systématiquement démantelé. Depuis plusieurs siècles de modernisme puis de rationalité, nous avons systématiquement privilégié la connexion au masculin (les idées, les disciplines académiques, la raison, le Yang) sur la connexion au féminin (la terre, la matière, le bon sens pratique, le présent, le corps, le Yin). Cette déconnexion est à l’origine de la Grande Déconnexion dont nous parlons dans cette série d’articles et qui a été théorisée notamment par Otto Scharmer dans la “Théorie U”.

Tout est devenu hors sol, et nous transformons peu à peu notre monde originellement fourmillant de vie en une station orbitale toute sèche. Les enfants sont éduqués entre les murs d’écoles-prisons de 2 à 25 ans à grand coups de matières académiques abstraites, les malades sont soignés dans des chambres coupées des arbres, les tablettes remplacent les cabanes, les tomates poussent dans des serres hydroponiques, et le nombre de micro-organismes dans les terres de nos champs a été divisé par dix voire cent selon les zones. Les herbes folles qui poussent à d’autres endroits que ceux qui leur ont été strictement assignés sont traitées comme des êtres indignes de vivre et mettre les mains dans la terre est considéré par la plupart des humains comme sale. Désormais, avec le confinement, les écoles ne sont même plus ouvertes, elles ont été remplacées par des interactions virtualisées entre pédagogue et apprenant, faisant presque regrette leurs murs clos et leurs cours goudronnées autour de platanes étiques. Même la police quitte le sol, à grand renfort de drones et d’hélicoptères.

Il n’est plus temps de chercher à comprendre comment nous en sommes arrivés à ce point aussi extrême de rupture de la connexion. Ce serait encore faire le jeu des idées et du mental de vouloir comprendre (masculin), sans pour autant chercher à réparer et à se relier à nouveau (féminin). Il existe de nombreux ouvrages sur ce sujet (cf. biblio). Notre intention ici est de vous proposer des éléments concrets pour vous aider, à votre échelle, à retrouver le lien à la terre. Car c’est de cela dont il s’agit, et désormais, uniquement de cela. Il s’agit d’une urgence vitale collective.

 Et cette urgence vitale augmente encore d’un cran en période de crise du COVID-19, où tout devient pour le moins incertain sinon chaotique et où l’ancrage devient la plus sûre des immunités individuelles et collectives face aux risques de dérive de notre société (totalitaires, identitaires, complotistes, climaticides, etc…).

 

Comment (r)établir sciemment cette connexion ?

La première clé est celle qui se retrouve dans toutes les pratiques : la respiration, évidemment. Quand je respire en conscience, profondément, par les narines, en dosant le débit entrant et le débit sortant, je reviens au présent. La présence me reconnecte naturellement à l’espace immédiat qui m’environne, et à mon corps. C’est une première étape de retour à soi.

La deuxième clé réside dans nos amis les arbres. Parfois, il suffit de regarder quelques minutes un arbre pour se souvenir qu’il est connecté à la fois au ciel (photosynthèse, appel de la lumière, récupération de la pluie) et à la terre, avec des racines souvent plus importantes encore que la partie aérienne. Lorsque je vois un arbre, je me souviens que moi aussi, j’ai besoin du sol et que j’ai des racines qui renforcent mon centrage.

Ensuite, lorsqu’une tension me traverse : je peux visualiser que la surtension ne se stocke pas en moi, et qu’elle descend le long de mes jambes, va jusqu’à mes pieds, se prolonge sous eux par des racines invisibles et se dissipe sous le sol. Cela marche encore mieux si je suis pieds nus et que mes pieds sont effectivement posés sur un sol non artificialisé comme de la terre (au sens du terreau), du sable, de la mousse, de l’herbe, des rochers… Mais même si j’ai les pieds enfermés dans des chaussures en plastique au vingtième étage d’une tour de banlieue, je peux tout de même visualiser que cette énergie se dissipe dans le sol en mettant toute ma conscience dans la partie basse de mon corps, et surtout dans la sensation de mon poids sur mes plantes de pied. Je me redresse, et je répartis mon poids équitablement entre mes deux pieds, entre l’avant et l’arrière de chaque pied, et entre les bords externes et internes de chaque pied. Et je respire.

Pour me rappeler que je suis un terrestre et que chaque décision que je prends impacte tous les autres terrestres ici et maintenant, plus loin et plus tard, je peux là encore revenir à moi, en respirant.

Je laisse entrer de l’air et je me souviens qui l’a fabriqué en amont.

Je laisse sortir l’air, et je me souviens à qui il va servir plus tard.

Par le souffle, ce processus de vie qui relie tous les vivants, et qui constitue une des étapes clés des grands cycles biogéologiques de notre vaisseau (CO2, O2, H20, N), je me souviens que nous sommes tous interconnectés.

Je respire les deux pieds dans la terre avant de prendre toute décision, dès que j’ai un doute, et même lorsque je n’en ai pas. J’intensifie particulièrement cette pratique lorsque je suis dans un magasin (au rayon viande ou électronique notamment), ou devant une page Web qui vend des billets d’avion, quand je décide de prendre ma voiture pour me rendre quelque part, d’acheter une maison, etc…

A force, peut-être que mes décisions vont évoluer, et que mes valeurs (mes idéaux, donc plutôt en haut de mon être) vont s’aligner avec mes besoins (en lien avec la partie plutôt basse de mon corps).

 Dans ce cas, je serai à la fois aligné et enraciné, ancré. Quand ces deux états se rencontrent, je deviens centré.

 

Nous vous proposons ici une pratique pour renforcer votre connexion à la terre par la sylvothérapie, même depuis chez vous.

 

Renforcer son enracinement par une pratique de sylvothérapie depuis chez soi

S'enraciner pour mieux entendre son Appel intérieur

Se connecter à la terre

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