Se reconnecter passe par plusieurs plans de connexion. Le premier que nous allons aborder est celui de la connexion à ses émotions. Il n’y a pas d’ordre. Nous choisissons ce premier plan uniquement parce qu’il est en lien avec la majorité des stages en forêt que nous proposons.
L’intelligence émotionnelle
Le terme d’intelligence émotionnelle est né dans les années 90 et se pose en regard de l’intelligence au sens habituel du terme, c’est à dire notre capacité mentale, qui, elle-même, a parfois été découpée en intelligence verbale, spatiale et logico-mathématique. De même qu’il existe un quotien intellectuel (QI), qui mesure cette intelligence, il existe désormais, depuis 1995 [1], un QE, quotien émotionnel, qui mesure notre capacité à comprendre nos émotions, à les traiter, et à détecter et prendre en compte avec justesse celles de nos interlocuteurs.
L’intelligence émotionnelle est essentielle pour avoir des relations harmonieuses avec les autres. Elle est à la base d’une autre forme d’intelligence, l’intelligence relationnelle. Nous y reviendrons dans un autre article.
Comment être connecté aux émotions ?
Dans un premier temps, il s’agit d’abord de se connecter à ses propres émotions. Cela peut être un parcours long et même difficile pour certaines personnes, pour qui la croyance que les émotions sont dangereuses peut être fortement ancrée, du fait de traumatismes anciens.
Chez la plupart d’entre nous, au moins une émotion est rigoureusement interdite. Combien d’hommes ont intégré en eux le message “ne montre jamais ta tristesse” ? Combien de femmes ont eu l’interdiction absolue de se mettre en colère ? Ou encore, combien ont entendu “arête d’être aussi joyeux, tu nous fatigues” ?
Alors, parfois, c’est tellement plus simple de refouler toute émotion, dans le doute.
Pourtant, ce sont des messagères. Chaque émotion nous donne de précieuses indications du tableau de bord de notre présent : ce qui va bien, ce qui ne va pas. Elles peuvent même parfois nous sauver, au sens propre du terme. La peur ou la colère, notamment, dans des situations dangereuses. D’ailleurs, sans elles, je ne serais pas là à vous écrire, car aucun de mes aieuls n’aurait survécu.
Et tant que je ne me suis pas reconnecté à mes émotions, je ne risque pas de décoder celles des autres avec assez de finesse, ce qui peut réduire d’autant la qualité de mes relations avec eux. De plus, si je ne suis pas au contact de mes émotions, je ne peux pas m’exprimer authentiquement. Si je ne mets pas de conscience sur ce que je ressens, il va y avoir une dissonnance entre ce que je dis et comment je le dis. Et l’autre va sentir cette dissonnance et son niveau de confiance ne sera pas aussi haut. Par exemple, si je dis”non, je ne suis pas en colère” avec une voix et des gestes très agressifs, je ne dégage pas la même énergie que si je dis, avec véhémence “là, je me sens en colère parce que…”.
Tout le travail va donc consister à mettre de la conscience sur notre état émotionnel. Où je me situe dans la fameuse roue des émotions [2] ? Est-ce que c’est une énergie qui va vers le bas ou une énergie qui s’expend ? Est-ce que c’est agréable ou désagréable ? Si j’arrive déjà à répondre à ces deux questions, je peux déjà savoir si je suis dans la joie expansive, la joie sereine, la colère, ou une émotion froide de type tristesse ou peur. Tous les mélanges comme la surprise ou le dégout et toutes les nuances de chaque émotion (du spleen à la dépression pour la tristesse, de l’agacement à la haine pour la colère, etc…) se situent ensuite dans cette roue, selon que vous êtes plus ou moins éloigné du neutre, le centre de la roue.
Plus je me sentirai à l’aise pour détecter la ou les émotions qui sont présentes en moi à chaque instant, plus 1) je pourrai les accueillir et les gérer positivement, et 2) je saurai les déceler chez l’autre et en tenir compte.
Comment la forêt peut nous aider à nous reconnecter à nos émotions ?
La forêt nous aide à nous connecter à nous-mêmes et à nos ressentis. En particulier dans une activité de sylvothérapie, où nous sommes guidés pour porter explicitement notre attention à notre état intérieur au travers de diverses invitations. Dans ces moments-là, je suis seul, en contact avec mon authenticité. Les masques tombent, j’ai moins besoin de me mentir à moi-même. Quelque-chose peut enfin sortir de l’ombre, et remonter à la surface. L’omniprésence du vivant autour de moi m’invite à retrouver le contact avec le vivant en moi. Et donc avec les émotions, qui sont justement l’expression du vivant dans mon être.
De plus, en forêt, les perceptions sensorielles sont augmentées et inhabituelles. Ce que je ressens avec mon corps, avec tous mes sens, peut générer une stimulation émotionnelle supplémentaire, de type émerveillement, tristesse, peur, sérénité, ou autre (cela dépend de mon parcours et des circonstances du moment), et ces surcroîts émotionnels peuvent être si forts qu’il se peut que je ne parvienne pas à les maintenir sous le tapis comme j’ai éventuellement l’habitude de le faire. La digue peut se rompre, en toute sécurité, car la sylvothérapie prévoit ce genre de cas, et je peux libérer la pression retenue parfois depuis des années. Et ainsi, retrouver le goût d’une émotion. Si bien qu’ensuite, il suffit qu’elle s’exprime à la hauteur d’un dixième de cette explosion pour que je la reconnaisse, ce qui me permet de progresser d’autant dans mon intelligence relationnelle.
Du même coup, c’est mon niveau de connexion qui augmente fortement, car je peux plus facilement être en contact conscient avec mes émotions.
Nous verrons dans un prochain article comment se connecter à ses émotions est la première étape vers la connexion à ses besoins.
Notes :
[1] : concept proposé en 1990 par les psychologues Peter Salovey et John Mayer, et popularisé par Daniel Goleman en 1995.
[2] : en fait, il existe de nombreuses variantes de cette roue, elles-mêmes basées sur différents modèles des émotions. Il n’y en a pas un meilleur qu’un autre, ce qui compte, c’est simplement d’être à l’écoute de ce que l’on ressent en détail.
Sources :
Art-Mella – Enquête et mode d’emploi, tomes 1 et 2
Stages et formations en forêt pour augmenter sa connexion aux émotions :
Formation
« S’inspirer du vivant pour faire grandir son intelligence relationnelle »
Formation
« Forêt et relations collectives »
Formation
« Approfondis-sement à la Communication NonViolente (CNV) en forêt »