La vanité du cornucopianisme

Le cornucokoa ?

Kezako ?

Le cornucopianisme n’est pas l’art consistant à jouer à plusieurs du piano à corne (ni à queue, ni rien de tout celà), mais à défendre la thèse consistant à dire que le progrès technologique va sauver l’humanité. Plus précisément, je vous renvoie à cette définition de Wikipédia. D’où cela vient ? Cela vient de la notion de corne d’abondance dans l’idée que grâce au progrès technologique, nous avons pu progressivement bénéificer de l’abondance.

Derrière cette notion, il y a une fascination, une vénération vissée au corps à l’esprit (il n’y a plus trop de corps dans ce paradigme de la rationalité) pour la technologie. C’est la technophilie.

Et sans remonter aux affres de la révolution néolitique, qui nous ont conduit à une abondance de coups de fouet, de guerres, d’espérance de vie en moins, d’heure d’esclavage par jour et de souffrances infinies (cf. les récentes découvertes des préhistoriens), nous pouvons tout de même citer aujourd’hui les abatteuses (vous savez, ces fascinantes machines qui transforment une forêt en désert en douze minutes trente), le nucléaire, les vaccins établis en quelques mois, la 5G, les intelligences artificielles, les smartphones et bien d’autres joyeusetés qui nous coupent de l’essentiel, de l’essence et du vivant et qui le broient avec.

La technophilie conduit à préférer une ferme photovoltaïque à une forêt (qui produit de la matière vivante et de l’énergie grâce à la photosynthèse, directement). La technophilie consiste à nous faire préférer prendre l’autoroute à travers le tunnel creusé dans la montagne plutôt qu’à faire le tour, juste pour aller plus vite (vers où et jusqu’à quand ? La technophilie fait grêve quand ces questions, pourtant de fond, lui sont posées). Elle nous conduit à préférer construire des lignes à grande vitesse ou des autoroutes à travers les écosystèmes pour gagner parfois trente minutes d’une ville à l’autre.

Plus grave, la technophilie, fille ingrate de la science et de la raison, a délaissé ses parents et ne les écoute plus. Celà fait plus d’un siècle que la technologie avance toute seule, tournant le dos à la science. Qui a entendu les alertes des scientifiques du GIEC depuis des décennies ? Qui utilise sa raison pour décider d’acheter ou de ne pas acheter le dernier gadget ? Qui utilise sa raison pour décider d’arrêter de prendre l’avion parce que c’est participer au génocide des générations futures que de cautionner encore ce mode de déplacement ? au nom de notre technophilie, nous nous sommes aussi coupés de notre biophilie (amour de la vie) pourtant innée (nous en parlons dans la newsletter de février 2023).

Ce qui est inquiétant, c’est qu’en cette ère de l’Anthropocène, cette fascination pour le progrès technologique est telle qu’à chaque fois qu’une nouvelle invention déverse son lot d’effets secondaires indésirables, nous y répondons encore par la technologie dans une course en avant totalement irrationnelle. Quelques exemples édifiants :

Les néonicotinoïdes tuent les pollinisateurs. Qu’à celà ne tienne, nous pollinisons par drône ou, plus bourrin, par avion.

Le dérèglement climatique induit une chute des chutes de neige en stations, pas de problème, les camions et les hélicos ramènent de la neige d’ailleurs.

Nos systèmes agroindustriels déclenchent des catastrophes sanitaires, allant jusqu’à des pandémies. Un petit vaccin à ARN messager et le tour est joué. Les conséquences pour des centaines de millions de personnes qui ont vécu des effets secondaires plus ou moins graves (ou dans 5 ou 10 ans) ? Pas de souci, d’autres solutions technologiques permettront d’y remédier. Qui elles-mêmes engendreront d’autres effets qu’il faudra compenser… C’est sans fin.

On n’arrête pas le progrès, oh non !! C’est lui qui nous arrêtera.

Sauf si, dans un sursaut de maturité collective, nous décidons de guérir de la modernité, de sortir de l’Anthropocène, de nous sevrer de notre pétrolisme (addiction aux énergies faciles, fossiles et fisciles), et de tourner le dos à la technophilie, en conscience pour ouvrir les bras au Symbiocène et à la biophilie.

Pour celà, chacun.e de nous va devoir vivre une immense révolution culturelle. Si depuis que je suis tout petit, j’ai été abreuvé à ce mythe du progrès, à ce Grand Récit cornucopien, j’ai un immense chantier qui m’attend pour m’en libérer. Cela va se faire petit pas par petit pas, à l’échelle individuelle et collective.

En ce qui me concerne, moi qui viens d’un parcours d’ingénieur centralien en génie civil, consultant en géomatique, pilote privé d’avions, fasciné par les ouvrages d’art et la conquète spatiale, cela m’a pris plus de dix ans pour arriver à ce que j’estime le milieu du gué. J’ai déjà lâché globalement la croyance que le progrès technologique allait nous sauver (je l’ai remplacée par celle qu’il allait plus sûrement accélérer notre crash dans le mur de l’Anthropocène), et j’ai lâché l’avion (à titre privé ou au titre de moyen de transport), j’ai lâché pour quelques années le smartphone (et j’ai replongé il y a un an !!), j’ai lâché la voiture (en ville je n’ai aucun mérite). Mais j’écris cet article où ? Sur Internet, immense concentré de technologie. Long est encore le chemin, et il est des étapes critiques qui ne pourront se franchir que tous ensemble.

Ce que je peux partager, depuis ce jalon intermédiaire, c’est : “qu’est-ce que ça fait du bien de se délivrer progressivement de la technophilie et d’aller vivre du simple en lien avec les vivants. Ce n’a pas été un chemin de sacrifice, bien au contraire.”

Et vous, quelles croyances vous nourrissez vis-à-vis du progrès (technologique) ? Dans quel récit avez-vous été biberonné.e ? Que vous a-t-on appris à l’école ? Comment considérez-vous les effets secondaires prouvés par des études indépendantes de la plupart des dernières innovations technologiques (téléphones portables, OGM, 5G, certains vaccins, pesticides, téfal, nanotechnologies, nucléaire…) ? Considérez-vous que ce n’est pas tout à fait sûr ? Qu’il faudrait encore faire des études pour vérifier ? Que ce n’est pas indépendant ? Que c’est exagéré ? Que le progrès permettra de pallier aux quelques petits inconvénients qui sont vraiment avérés ? Ou bien avez-vous déjà senti qu’il y avait comme un problème structurel, systémique, avec le progrès technologique ? Que vous dit votre corps ? Que vous disent les vivants qui sont autour de vous ? Etes-vous prêt.e à aller un cran plus loin pour sortir de l’Anthropocène ? Qu’est-ce qui résiste ? De quoi parlent ces résistances ?

Entre les Arbres, à son échelle, qui restera somme toute infinitésimale, propose des sessions en forêt pour sentir ce qui se joue autour de la technophilie et la biophilie, et pour accompagner progressivement ce changement majeur, chacun.e à son rythme.

Envie de vous sevrer ? Bienvenue ! Explorons tout cela ensemble. On crée un groupe whattsapp pour en parler tongue-out ou bien on demande la solution à Chatt GPT ?

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