Les émotions de la Terre

Glenn Albrecht

Les émotions de la Terre

Des nouveaux mots pour un nouveau monde

Les liens qui libèrent

Les phénomènes qui ne sont pas nommés échappent au radar de notre réalité. Il en a été ainsi pour des émotions vitales qui nous relient depuis toujours au vivant et à la Terre. Depuis qu’Homo sapiens est né, et sans doute même avant lui, le genre Homo a longtemps entretenu une relation symbiotique avec les autres êtres et ses écosystèmes. Il a développé une relation au service de la vie, de tout ce qui pouvait y contribuer, tout ce qui pouvait faire en sorte que la vie soit au service de plus de vie. Aujourd’hui, notre civilisation techno-industrielle a totalement oublié ce lien viscéral au vivant, ce qu’Albrecht nomme l’écoagnosie. Seuls les peuples premiers qui n’ont pas encore été éradiqué par l’Anthropocène restent ces “Gardiens de la Terre” éclairés qui ont compris avec tout leur être la valeur du vivant, qui sont en symbiose avec lui, dans une posture qu’Albrecht nomme l’Eutierrie, ce sentiment d’unité avec la Terre.

Pourtant, même les humains de l’Antropocène peuvent éprouver des émotions en lien avec le vivant, ce qu’il appelle des émotions psychoterratiques. Ces émotions peuvent être extrêmement lourdes de conséquences, que ce soit en négatif (dépression, suicide, replis sur soi, violence, etc…) ou en positif (espérance, confiance, motivation, amour de la Terre, sentiment de plénitude, solidarité dans la défense de la vie). Les forces destructrices du vivant, qu’il nomme les forces terraphtoriques, et qu’il oppose aux forces qui oeuvrent pour restaurer et même faire croître le vivant, les forces terranaissantes, génèrent des émotions négatives en détruisant des lieux qui nous sont chers, en abimant notre santé physique et psychique et celle des écosystèmes. Une des plus connues est la solastalgie, ce sentiment de désolation causé par la dévastation de son habitat et de son territoire, ce qui arrive de plus en plus souvent, et partout. C’est d’ailleurs l’inventeur de ce mot, qui est à la base de tous ses travaux depuis 15 ans.

Tant que ce genre d’émotions ne sont pas nommées, elle n’existent pas aux yeux du Monde, même si ceux qui les ressentent sentent très bien leur mal être.

Glenn Albrecht les fait donc enfin exister par son travail, et notamment à travers cet ouvrage majeur. Le fait de les faire exister leur permet d’être reconnues, et permet donc que ceux qui les vivent puissent être vus, entendus, pris en compte. Cela permet aussi de mieux s’opposer à ceux qui dévastent le vivant, et qui s’agrippent à ce monde en délitement qu’est l’actuel – et court – Anthropocène. Cet age obsolète et dévastateur va rapidement être remplacé par ce qu’Albrecht nomme le Symbiocène, cette ère où les humains [re]prennent enfin conscience du caractère sacré du lien au vivant, et de la nécessité d’organiser absolument TOUT leur mode de vie pour qu’il soit en accord avec leur santé, la santé des écosystèmes, et de l’écosystème qui les englobe tous, la Terre.

Cette ère du Symbiocène naîtra des émotions positives, comme l’Eutierrie (évoquée plus haut) ou la Soliphile, cet amour du lieu se traduisant par l’engagement politique pour la protection des habitats aimés à toute échelle, du local au global, contre les forces de dévastation.

Après avoir détaillé les différentes émotions psychoterratiques positives et négatives que chacun.e de nous peut ressentir, il précise quelle forme pourrait prendre le Symbiocène et la symbiocratie qui permettrait de le faire advenir et de le maintenir.

Résolument optimiste, parfois à outrance, cet ouvrage ouvre nos imaginaires. En nommant toutes ces idées, il les fait exister, il les rend possible, et c’est extrêmement utile et important car la crise que nous traversons tous est d’abord une crise de l’imaginaire.

Il est désormais trop tard pour être pessimiste.

Osons imaginer un tel monde, et alors, il aura plus de chances de survenir.

 

Un article de fond sur le Symbiocène

Une anti-conférence sur le Symbiocène

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