L’Homme Chevreuil

Geoffroy Delorme

L’homme-chevreuil

Sept ans de vie sauvage

@Les Arènes, 2021

C’est l’histoire vraie (si, si, même si c’est parfois très dur à croire !) d’un homme qui s’est dès le plus jeune age senti bien plus adapté au monde sauvage qu’à celui de notre société, notamment l’école. De fil en aiguille, ce fut l’école buissonnière qui le forma (processus d’éco-formation prédominant, cf. tout le travail de Dominique Cotterau sur le sujet), bien  plus intensément et bien plus précisément que l’école académique. Puis ce furent des fugues, de plus en plus nombreuses et longues, dans la forêt, à interagir avec ses habitants non-humains. Le rythme s’est peu à peu inversé et les fugues devinrent des moments fugaces où il revenait dans le monde des humains pour quelques jours, afin de faire le plein d’allumettes et de quelques calories pour lui et ses batteries d’appareil photo. Et progressivement, Geoffroy ne revenait presque plus (quitte à arrêter aussi la photo). Il avait réussi à trouver le moyen de tout faire en forêt : se protéger du froid, de l’humidité, des maladies, des blessures ; manger ; boire ; dormir. Tous ses besoins essentiels étaient nourris (parfois à la limite). Et ses besoins de lien, de joie, d’apprentissage, d’appartenance et d’amour furent principalement nourris par les chevreuils, qui l’apprivoisèrent de mois en mois, d’année en année, et qui, finalement, l’adoptèrent complètement comme l’un des leurs. Il avait avec chacun d’eux des rapports différents. Parfois de protecteur (quand un dominant venait, le dominé se cachait derrière lui !), parfois de pédagogue (il leur apprenait à se protéger efficacement des battues), parfois d’élève (quelles plantes manger et où les trouver) parfois même de nounou !

Ce livre est le récit d’une magnifique aventure, d’une incroyable rencontre multispécifique, profonde, sincère et mutuellement bénéfique. L’auteur nous rend les chevreuils terriblement attachants par un récit captivant du début à la fin. Il analyse également en quoi nos choix de gestion sylvicole et nos choix de régulation de la faune sauvage par la chasse ne sont que des pansements pour palier à des désiquilibres que nous avons nous-mêmes créés et que ces choix amplifient encore de manière indirecte.

Entre les Arbres a la chance d’avoir une parcelle de forêt pour y faire ses stages et ses bains de forêt. Des chevreuils y habitent aussi et mangent certains arbres qui nous sont chers. Nous autorisons les chasseurs à opérer sur cette parcelle. La lecture de ce livre pourrait nous faire voir les choses différemment. Après avoir interrogé les chasseurs eux-mêmes, qui ont évidemment un autre point de vue sur la question, nous ne sommes pas en mesure de prendre partie et nous ne le ferons pas. Il nous semble que la posture de diplomate des interdépendances (explicitée par Baptiste Morizot dans “Manière d’Etre Vivants“) est la plus juste. Il ne s’agit pas de prendre la défense des arbustes mangés, ou celle des chevreuils ou encore celle des chasseurs, mais de celle plus globale des liens qui unissent tous ces êtres dans la grande toile du vivant, au service du vivant quand c’est en équilibre. Le camp à défendre, c’est celui de cet équilibre.

La diplomatie des interdépendances est ce que nous proposons d’explorer d’une part via une forte implication dans le Lichen (Laboratoire pour les Interdépendances concernant les humains et les non-humains) et d’autre part via la facilitation territoriale.

Merci à Geoffroy d’être revenu un temps dans notre univers pour y faire entendre, par l’écriture de ce livre, la voix de la forêt et de ses cervidés habitants et nous honorons son rôle de passeur.

L’Homme Chevreuil
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